Lors du "Printemps arabe", des femmes ont prouvé, par leur courage, qu'elles ne voulaient pas être absentes de cette page de l'histoire. La défense de leurs droits est partie prenante de la construction de ces démocraties.
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Egypte
Asmaa Mahfouz est
devenue l'emblème de la Révolution égyptienne et à 26 ans, la femme la
plus célèbre du Caire. Son appel vidéo lancé sur Youtube a été repris
sur la Toile. Dans ce message, elle a exhorté «tous les hommes et toutes
les femmes à quitter leurs écrans et à se rassembler dans les rues du
Caire», pour protester contre le régime corrompu de Hosni Moubarak. Elle
fait ainsi partie des milliers de femmes qui ont pris la tête des
manifestations dès le 25 janvier.
Sur la place Tahrir,
1 manifestant sur 5 était une femme, selon Ghada Shahbandar, militante
de l'Egyptian Organization for Human Rights (Organisation Egyptienne des
droits de l'Homme). «Les plus âgées comme les plus jeunes, issues de
toutes les couches sociales, étaient présentes au côté des hommes »,
commente Violette Daguerre, présidente de la Commission arabe des droits
humains. De l'organisation des rassemblements aux soins des blessés,
les femmes ont joué plusieurs rôles. Deux d'entre elles l'ont payé de
leurs vies. Déjà, en 1919, lors de la première révolution égyptienne,
les femmes avaient défilé dans les rues: «Malgré un retour en arrière,
l'histoire de l'émancipation des femmes est puissante depuis le début du
XXème siècle», souligne Nicole Savy, responsable du groupe de travail
sur l'égalité hommes-femmes à la Ligue des droits de l'homme.
La
seule nouveauté est que «les hommes n'ont pas discuté de la présence
des femmes sur la place Tahrir, explique Violette Daguerre, auteur de
Femmes et conquête des droits. Même les islamistes des Frères musulmans
ont compris que, quel que soit son sexe, on est libre de vouloir
conquérir ses droits». Femmes et hommes étaient unis autour d'une cause
commune : «C'est avant tout une révolution de la justice et de la
liberté. Les droits des femmes sont indivisibles des droits de l'Homme»,
précise Nicole Savy.
Les
revendications spécifiques aux femmes ont, pour un temps, été relayées
au second plan. Pourtant, elles n'abandonneront pas leur lutte: «Les
Egyptiennes ont un code de la famille qui les opprime, analyse Nicole
Savy. Elles revendiquent une législation égalitaire et l'application de
la CEDAW, la charte des droits de la femme de l'ONU ». De son côté,
Véronique Daguerre ajoute que «les femmes réclament une politique
non-discriminante et d'être l'égal des hommes dans le foyer et dans
l'entreprise». Pour sa part, elle garde espoir : «Beaucoup de choses ont
été balayées par la révolution même si certaines traditions résistent.
Il ne s'agit que d'une question de temps et l'avenir va le révéler. Ces
manifestations vont améliorer les conditions de chacun et donc des
femmes».
Tunisie
«
Depuis le premier jour, les femmes sont descendues dans les rues pour
réclamer la liberté, la dignité et mettre fin au régime de Ben Ali»,
raconte sans étonnement Nadia Chabaane, membre de l'Association des
Tunisiens de France. Le 29 janvier, l'Association tunisienne des femmes
démocrates (ATFD) et l'Association des femmes tunisiennes pour la
recherche et le développement (AFTURD) ont organisé, à Tunis, une marche pour l'égalité et la citoyenneté.
Lors de ces manifestations, « dix femmes sont mortes touchées par des
balles et des dizaines d'autres ont été blessées, tandis que des
étudiantes et des lycéennes ont été arrêtées », dénonce Nadia Chabaane.
A
Paris, depuis 1984, cette Franco-Tunisienne n'a jamais abandonné le
combat. Après avoir fait ses premières armes dans une association
féministe de Nabeul, elle a rejoint le Collectif national pour le droit des femmes.
Pour que les Tunisiennes ne soient pas dépossédées de cette révolution,
qu'elles ont porté à bras le corps, Nadia Chabaane a lancé l'appel du 23 janvier ; cette pétition, en faveur des revendications féminines dans
l'après-révolution, a recueilli des milliers de signatures. Le texte
réclame des réformes institutionnelles et politiques qui répondent aux
aspirations des femmes ainsi que la séparation du politique et du
religieux dans la Constitution. Les femmes expriment des réserves quant à
l'intégration dans le paysage politique de mouvements religieux
islamistes: « Même s'il faut arrêter de brandir la menace de
l'islamisation de la société, elle est toutefois un danger pour les
droits des femmes et leur statut dans la société, explique Nadia
Chabaane. On est donc inquiètes des éventuels changements du Code du
statut personnel».
Ce
dernier, accordé par le président Habib Bourguiba après l'indépendance
de 1956, garantit aux femmes un statut particulièrement avancé pour le
monde arabe. Le Code de la famille a, par exemple, aboli la répudiation
et la polygamie. Aujourd'hui, les Tunisiennes bénéficient du taux
d'alphabétisation le plus élevé d'Afrique et les filles sont
majoritaires dans les universités.
Pourtant,
des inégalités subsistent et les femmes continuent de lutter pour
l'obtention d'une égalité réelle devant la loi. Alors que la
construction de la démocratie en Tunisie doit se faire avec les femmes,
peu d'entre elles sont présentes dans le gouvernement de transition, mis
à part le ministère de la Culture et celui de la Femme.
Algérie
Le
credo des femmes algériennes ? La liberté ne se donne pas, elle
s'arrache. « En Algérie, il y a eu des générations de femmes à chaque
combat. Ce qui est nouveau, c'est l'ampleur de la mobilisation. Elles
étaient aux premières lignes des mouvements pour la démocratie le 12 février », s'exclame Asma Guenisfi,présidente
de l'Association des femmes euro-méditerranéenne contre les inégalités
et les intégrismes. Simples citoyennes, mères de famille, étudiantes ou
responsables des associations Djazaïrouma et Wassila, toutes sont
descendues dans les rues pour crier leur ras-le-bol de la misère sociale
et réclamer le respect de leurs droits de citoyennes.
Asma
Guenisfi, elle, participe au combat depuis la France mène le combat de
France. Son pays, elle l'a quitté en 1994 après l'assassinat de son
frère Hicham alors stagiaire à la radio algérienne. Scandalisée par la
vision de « ces femmes qui mendient dans les rues, qui ont été répudiées
et exclues de leur logement », elle milite depuis seize ans dans
l'association « Le Refus », au côté d'autres féministes et au sein de Ni
putes ni soumises: « Je suis désespérée quant à la place des femmes
dans la société. C'est une catastrophe. Il y a eu une totale régression
en Algérie et les violences faites aux femmes augmentent».
Cette Franco-Algérienne, elle a participé à l'organisation du rassemblement en soutien à la marche d'Alger du
12 février, à Paris. Les Algériennes demandent à cor et à cri
l'abolition du Code de la famille, inspiré de la Charia et une réelle
politique vis-à-vis des femmes : « Elles en ont ras-le-bol d'être tenues
sous silence, souligne Asma Guenisfi. Lors de la manifestation du 12
février, des femmes ont été maltraitées et arrêtées». A Paris comme à
Alger, des manifestants des deux sexes ont marché ensemble pour que «les
revendications des femmes soient prises en compte, reprend Asma
Guenisfi. Le gouvernement ne répond pas aux demandes des associations
féminines et on assiste à de véritables négligences. En 2005, Bouteflika
a consenti quelques changements mais les femmes ont toujours ce statut
de mineure, qu'elles soient ministres ou juges ».
Yémen
Une femme est également au coeur de la fronde que traverse le Yémen: Tawakel Karman est
une des héroïnes des manifestations. Membre du comité central du parti
islamiste Al-Islah, elle a été l'instigatrice des mouvements de soutien à
la révolte populaire en Tunisie et d'appel au changement dans le régime
yéménite. Directrice de l'organisation locale «Femmes journalistes sans
chaînes », elle a été brièvement arrêtée le 23 janvier à Sanaa, la
capitale. Des manifestations se poursuivent pour réclamer des réformes
politiques et la démission du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir
depuis trente ans.
Irak
«Le
gouvernement irakien devrait faire attention. Il existe toute une armée
de femmes qui n'ont ni travail ni argent et sont prêtes à descendre
dans la rue si rien n'est fait pour améliorer leur sort», confiait Madia
al-Rawai, membre de l'Iraqi Women's Association, au The National, un
journal des Emirats Arabes Unis. A Bagdad et ailleurs, des milliers de
veuves, en particulier, se battent au quotidien contre la pauvreté et le
chômage dans une société dominée par les hommes.
Arabie Saoudite
Les
femmes d'Arabie Saoudite mènent un combat sur Internet. Des
cybermilitantes ont lancé le 16 janvier sur Facebook une campagne en
faveur du droit de vote des femmes au scrutin municipal d'octobre 2011.
Cette pétition, intitulée «Mon pays» a recueilli en trois semaine 3.500
signatures. Pour autant, les conseillers municipaux n'ont qu'un rôle
consultatif. «Notre objectif n'est pas de remporter les élections mais
d'être les égales des hommes», confie la cybermilitante Hatoun
al-Fassi.
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